Trois questions à François Gélineau

19 février 2019

Sur la situation politique en Haïti

Plusieurs grandes manifestations antigouvernementales émaillées de violence meurtrière ont eu lieu en Haïti depuis le 7 février. Les interventions successives du président contesté Jovenel Moïse, puis de son premier ministre, ne semblent pas suffisantes pour calmer la grogne populaire. Directeur du Centre d’études interaméricaines, François Gélineau a participé à plusieurs missions d’observation du scrutin électoral dans ce pays. Le professeur du Département de science politique analyse la situation de ce pays sous haute tension.

Comment expliquer que la contestation ne faiblit pas après plus d’une dizaine de jours de manifestations?

Depuis les années 2000, on observe que la colère des Haïtiens s’exprime surtout durant les périodes électorales. Puis, les citoyens se rallient au président élu pendant quatre ou cinq ans. Pourquoi cette fois-ci les manifestants se mobilisent-ils deux ans après le début du mandat de Jovenel Moïse? J’ai l’impression que l’opposition et le Sénat ont réussi à mettre le gouvernement sur la défensive à propos de la gestion du programme PetroCaribe. Depuis 2006, le gouvernement vénézuélien vend son pétrole au rabais à l’État haïtien sous forme de prêt sur 25 ou 30 ans. Le gouvernement haïtien négocie ensuite ce produit au prix courant avec les pétrolières, afin de constituer un fonds avec le profit. Cet argent devait financer des programmes sociaux et la reconstruction. Cependant, un rapport sénatorial suggère que les gouvernements successifs ont dilapidé le fonds. Des tronçons de route manquent; des édifices ne sont jamais terminés. Sans parler d’entreprises qui ont touché l’argent du fonds sans livrer la marchandise. Le rapport montre clairement que le président actuel, choisi par son prédécesseur Michel Martelly, aurait joué un rôle important dans ces manigances.

Article complet, Le fil, 18 février 2019