11 juillet 2018

Heure: 13h30
Lieu: Pavillon Charles-De Koninck, local 3470

Description de l'événement

« Les compagnies occidentales dans l’économie mondiale. L’origine industrielle des organisations du capitalisme industriel. »

Résumé :

La généralisation du salariat, une rationalisation accrue des procédés de fabrication et le décollage d’une économie puisant en elle-même les principaux leviers de sa croissance figurent parmi les phénomènes générés au 19e siècle par une industrialisation embrassant des pans toujours plus nombreux de l’activité économique. Cette grande transformation qui colora de manière indélébile plusieurs aspects de la vie en société fut aussi celle du déploiement d'importantes organisations capitalistes qui intégrèrent en leur sein un nombre grandissant d’acteurs et de choses, les assujettissant à leur mode de fonctionnement. L’organisation, cette forme sociale qui connut une ascension fulgurante au 20e siècle, caractéristique de la transformation postmoderne de la société, eut comme pierre d’assise une institution, la compagnie, dont la présente thèse vise à retracer la genèse.

L’institutionnalisation des organisations du capitalisme industriel s’est étendue sur plusieurs siècles. Les contours de cette institution furent, à travers le temps, façonnés par cette large trame d’échanges culturels et commerciaux qui liait entre elles plusieurs parties du globe et dans laquelle les compagnies se sont inscrites. À chaque modification notoire de l’institution voit-on en effet que l’insertion des compagnies dans cet univers presque mondial joua un rôle clef, et qui mérite d'être davantage souligné.

Sans que soient pour autant gommés ces jalons essentiels posés par le monde occidental dans cette aventure, la présente thèse fait une large place à ces points de vue de « l’histoire globale » qui focalisent leur attention sur les relations entre les civilisations sur le temps long. Ces regards raffinent le portrait d’une institution séculaire, s’étant construite en plusieurs étapes, avant de servir de creuset à la fabrication industrielle des marchandises.

De cette genèse de l’institution de la compagnie (des cités-États italiennes du Moyen Âge à l’industrialisation), trois moments ont été distingués, structurant en trois parties la thèse qui débute avec l’époque charnière de l’an mil.

Partie 1. Après des siècles d’invasions, l’Europe de l’Ouest offre une image morcelée. Ses foyers de peuplement se sont pour la plupart recroquevillés économiquement et politiquement dans des seigneuries. Tandis que tardent à surgir des pouvoirs tutélaires instituant les cadres propices au commerce de longue distance, les quelques marchands qui s’aventurent à travers les territoires se regroupent en caravanes. Ce sont ces pionniers qui, allant à la rencontre de civilisations riches en trésors (matériels et intellectuels), introduisent en Occident des marchandises exotiques, mais aussi les techniques comptables et financières soutenant l’essor commercial subséquent de l’Europe de l’Ouest. L’institution de la compagnie en tire à première vue son origine.

Partie 2. La montée des absolutistes du régime westphalien conduit à encastrement des compagnies dans les politiques mercantilistes des monarchies au moment où l’Occident joue un rôle de plus en plus déterminant au sein des réseaux commerciaux de l’économie mondiale. Les compagnies responsables du transit des marchandises se voient alors assujetties aux visées d’intérêt national (politiques économiques, diplomatiques et militaires, notamment) des monarchies avec lesquelles l’objectif de rentabilité aura à composer.

Partie 3. Au 19e siècle, la Grande-Bretagne, qui fait l’expérience de l’industrialisation, cherche à se délier des charges de la colonisation et adopte des politiques commerciales de facture plus libérale. Pour les économies subalternes, la nouvelle conjoncture commande un repositionnement. Au Québec (dont l’économie incarne l’archétype de ces transformations), on cherche alors de nouveaux moteurs à une économie – jadis foncièrement attachée à l’empire – qu'abandonnent les libre-échangistes anglais. L’autonomisation des sociétés par actions, leur désencastrement des politiques d’intérêt public, apparaît comme une avenue prometteuse, qui sera d’ailleurs empruntée. Cette nouvelle formule institutionnelle fournit le terreau dans lequel germera une configuration sociale inédite, dominée par de grandes organisations et les principes de gestion qui les animent. L’organisation, en tant que forme sociale, devient ainsi le noeud liant entre eux un nombre croissant de choses et d’acteurs.

En resituant l’évolution de l’institution de la compagnie dans la trame générale du commerce mondial, en plus de s’intéresser au procès d’engendrement de la société postmoderne, la présente thèse jette aussi un éclairage sur 1) les origines du capitalisme et sur 2) la montée en puissance de l’Occident dans l’économie-monde. L’institution de la compagnie constitua en effet autant une manifestation de ces changements qu’un des principaux instruments les ayant rendu possible.

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Membres du jury :

Président : Olivier Clain, professeur titulaire
Département de sociologie, Université Laval

Yves-Marie Abraham, examinateur externe
Département de management, HÉC Montréal

André C. Drainville, examinateur
Département de sociologie, Université Laval

Gilles Gagné, directeur de recherche
Département de sociologie, Université Laval

Pierre Issalys, examinateur
Faculté de droit, Université Laval