30 août 2018

Heure: 13h30
Lieu: Pavillon Charles-De Koninck, local 3470

Description de l'événement

« L’action publique québécoise à l’égard des personnes âgées vivant avec une incapacité : Une analyse sociologique des discours entourant le partage de la responsabilité des soins (1980-2015) »

Résumé :

Trois grandes formes d’inégalités se conjuguent dans les modalités contemporaines du partage de la responsabilité des soins à l’égard des personnes vivant avec une incapacité : 1) la persistance d’une division genrée de la responsabilité des soins aux proches et ses conséquences sur la trajectoire professionnelle et économique des femmes; 2) le déplacement d’une partie des tâches de soins vers des travailleuses à statut précaire; 3) les difficultés d’accès aux soins pour les personnes vivant avec une incapacité, en particulier pour les femmes âgées à faible revenu, dans le contexte d’une moins grande disponibilité des proches et d’une limitation des services offerts par l’État. À partir de l’idée que la mise en place de politiques publiques n’est jamais la simple conséquence de l’identification d’un problème social, mais qu’elle implique une lecture politique du défi auquel il fait faire face (Jenson, 2008) ou dit autrement, qu’elle engage une façon particulière de se représenter le problème (diagnostic) et les solutions (pronostic) à mettre en œuvre (Bacchi, 2009, 2012; Verloo, 2007), cette thèse a pour objectif d’explorer comment certains événements discursifs qui donnent forme aux politiques publiques, ont contribué à définir les modalités du partage de la responsabilité des soins à l’égard des personnes âgées vivant avec une incapacité. L’hypothèse formulée est que les discours sont porteurs d’éléments contribuant à contester ou à renforcer des rapports sociaux porteurs d’inégalités entre les femmes et les hommes. Les discours produits par différents groupes d’acteurs à l’occasion de la Commission Rochon (1985-1988), de la Commission Clair (2000) et des Consultations sur le projet d’assurance-autonomie (2013) ont été analysés puis comparés selon une perspective synchronique puis diachronique.

La thèse suggère que les trois événements discursifs étudiés ont donné lieu à différentes problématisations de l’enjeu du partage de la responsabilité des soins à l’égard des personnes âgées vivant avec des incapacités et, qu’au sein de ces discussions, il existe des espaces de reproduction et de contestation des rapports sociaux de soins générateurs d’inégalités. Les discours entendus ont ainsi contribué à définir l’identité des groupes sociaux engagés dans les rapports de soins. Les personnes âgées ont essentiellement été définies à partir de leur vulnérabilité, de leur perte d’autonomie et selon une figure d’usager-consommateur. Les personnes proches aidantes se sont progressivement constituées comme catégorie et comme acteur collectif susceptible de faire entendre, sur la place publique, des souffrances et des inégalités (Cefaï, 2007) et de mobiliser une voix politique (Verloo, 2007). Les travailleuses rémunérées des soins ont, quant à elles, été l’objet de discussions, mais presque essentiellement à partir de l’enjeu de leur qualification/non-qualification à assurer les services d’assistance personnelle aux personnes âgées vivant avec une incapacité. Quatre récits narratifs du partage de la responsabilité des soins entre l’État, le marché, le tiers secteur et la famille émergent de l’analyse des discours : 1) la régulation concurrentielle mixte 2) la régulation concurrentielle de marché; 3) la régulation sociale-étatiste; 4) la régulation mixte État/Tiers secteur. Chacun de ces récits est porté par différentes alliances d’acteurs et mobilise différentes configurations de la définition du problème, de la solution à y apporter, des soins et des identités ainsi que des postures discursives quant à la division sexuelle du travail de soins. En conclusion, trois grands constats se dégagent quant à la reproduction et la contestation de rapports sociaux de soins générateurs d’inégalités. Le premier est que la division du travail de soins selon le genre, la classe et la race constitue un angle mort des discussions menées dans les trois cas étudiés. Le second est que la reconnaissance politique des groupes impliqués dans les rapports sociaux de soins ne demeure que partiellement conquise. Enfin, le dernier constat est que la préoccupation à l’égard des inégalités pour les femmes est passée au second plan depuis les années 1980, derrière celles relatives au contrôle des dépenses publiques, à la gestion du risque associé à la dépendance et à une politique de l’emploi.

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JURY :

Président : Olivier Clain, professeur titulaire
Département de sociologie, Université Laval

Mélanie Bourque, examinatrice
Département de travail social, Université du Québec en Outaouais

Martine D’Amours, codirectrice de recherche
Département de relations industrielles, Université Laval

Charles Fleury, professeur agrégé
Département de sociologie, Université Laval

Éric Gagnon, examinateur
Professeur associé, Département de sociologie, Université Laval
Chercheur, Centre de recherche sur les soins et les services de première ligne de l’Université Laval

Stéphanie Rousseau, directrice de recherche
Science politique - Département des sciences sociales
Pontificia Universidad Catolica del Perù