Soutenance de thèse - Mathilde Gauquelin
Heure: 9h
Lieu: DKN-3470 et sur Zoom
Description de l'événement
Explaining the Design of Compliance Mechanisms in International Agreements: A Focus on Environmental Protection
Comment les fonctionnaires publics conçoivent-ils les mécanismes de mise en œuvre applicables aux accords multilatéraux sur l’environnement (AME) ? Depuis les années 1990, ces mécanismes sont progressivement devenus essentiels à un grand nombre d’AME, servant d’alternative coopérative au règlement juridique des différends, dans le même but de réagir aux cas potentiels de non-conformité avec les accords. La littérature dominante sur la conception des traités (treaty design) suggère que les États identifient rationnellement leurs préférences et négocient les dispositions des accords afin de maximiser leur utilité. Pourtant, la forme que revêtent les mécanismes de mise en œuvre dans les AME ne cadre pas avec cette proposition. Alors qu’une lecture rationnelle de leur conception s'attendrait à ce que des circonstances de négociations similaires conduisent systématiquement à un mécanisme similaire, la conception des mécanismes de conformité dans les AME a plutôt convergé au fil du temps.
Ma thèse vise à éclairer cette divergence entre les prédictions théoriques dominantes et la réalité empirique, en étudiant le processus par lequel les fonctionnaires conçoivent les mécanismes de mise en œuvre des AME. Je soutiens que les explications rationnelles de la conception des traités ont trois limites inhérentes : elles se focalisent sur les États en tant qu'acteurs principaux, elles étudient les résultats plutôt que les processus de conception, et elles sont limitées par leur postulat initial de rationalité. En réponse, je propose un nouveau cadre théorique qui articule comment les liens interpersonnels entre les fonctionnaires publics influencent les résultats des négociations. Je suggère qu'au travers d’interactions répétées lors de réunions internationales, les fonctionnaires publics viennent à former une communauté transnationale de politiques qui s’articule autour de leur identité professionnelle partagée. Les membres de cette communauté partagent des normes, des récits, une connaissance mutuelle les uns des autres et une certaine confiance. Je construis un mécanisme causal mixte qui conceptualise la conception des AME comme un processus partiellement rationnel, mais qui est également influencé par l'appartenance des fonctionnaires publics à une communauté.
Je teste cette proposition grâce à une stratégie empirique en trois volets. Tout d'abord, je caractérise les résultats potentiels du mécanisme causal en explorant les formes que prennent les mécanismes de mise en œuvre dans un ensemble d’AME déjà en vigueur. Ensuite, grâce à un sondage auprès de 308 fonctionnaires, je vérifie que la condition initiale selon laquelle une communauté de fonctionnaires existe dans le domaine des AME est remplie. Finalement, je réalise une étude de cas sur la Convention de Minamata sur le mercure. Grâce à des entretiens semi-structurés et l’’analyse de documents officiels de négociation, je retrace le processus par lequel les fonctionnaires publics ont sélectionné le mécanisme de mise en œuvre de la Convention.
Cette thèse contribue à la littérature en élargissant le pouvoir explicatif de la conception rationnelle des traités. Elle ouvre la « boîte noire » de l'État en tenant compte des liens interpersonnels entre les individus. Elle approfondit la compréhension du choix de dispositions dans les traités internationaux en construisant un mécanisme causal qui offre un compte-rendu plausible des processus de négociation. Enfin, elle va au-delà de la rationalité en théorisant l'impact des structures sociales sur la conception des traités. Dans l'ensemble, elle offre une analyse plus complète des processus de conception, qui explique ainsi une gamme étendue de résultats. En étudiant le processus par lequel les acteurs conçoivent les mécanismes de mise en œuvre des AME, j'entends offrir une nouvelle perspective sur la conception des traités au sens large, qui peut éventuellement être étendue à des cas similaires non seulement dans la sphère environnementale mais aussi dans d’autres domaines.
Membres du jury :
Jean-Frédéric Morin
Codirecteur de recherche
Professeur titulaire
Département de science politique
Université Laval
Ferdi De Ville
Codirecteur
Professeur
Ghent Institute for International and European Studies
Alexandre Gajevic Sayegh
Professeur agrégé
Département de science politique
Université Laval
Claire Dupont
Professeure
Ghent Institute for International and European Studies
Jennifer Allan
Examinatrice externe
International Institute for Sustainable Development
La soutenance sera sous la présidence de François Blais, professeur titulaire au Département.