Tous ses collègues ont apprécié chez Andrée, sa force tranquille, son esprit vif, sa bonté, son sens de l’humour.

Avec 31 ans de loyaux services à ULaval, Andrée était un pilier du département de sociologie par la grande quantité d’étudiant.e.s qu’elle a dirigé.e.s et celles et ceux qu’elle a encadré.e.s à travers sa participation à divers comités (d’évaluation de mémoire; jury d’examen de synthèse, jury de projet de thèse, jury de soutenance). Pilier également pour avoir donné pendant longtemps le Laboratoire de recherche, ce fameux cours de 1e cycle, très exigeant, qui valait à lui seul l’équivalent de quatre cours réguliers, s’étalait sur deux sessions et dont le département avait fait sa marque de commerce, sa distinction. Or, cette initiation à la recherche empirique, Andrée l’a orchestrée pendant au moins 13 éditions. Mais pilier du département également par sa production scientifique, aussi prolifique que diversifiée. Ses nombreuses subventions ont impliqué un nombre imposant d’étudiants dans ses propres travaux à qui elle transmettait le plaisir de la recherche. Dans le milieu des études québécoises et en sociologie de la culture, elle était souvent demandée comme pré-lectrice de thèse-- son œil de lynx était réputé pour ne rien laisser passer ni des coquilles ni des conclusions à tirer d’un corpus de données quelconque.

Sauf exception, Andrée n’était jamais là pour personne … les matins de la semaine. En grande intellectuelle, elle consacrait cette période de la journée à écrire, et ces moments d’écriture avaient quelque chose de sacré. Sa production scientifique est d’ailleurs exceptionnelle (quinzaine d’ouvrages; plus d’une cinquantaine d’articles) et plusieurs collègues, manifestement impressionnés et peut-être un peu jaloux, se demandaient, mais enfin comment fait-elle pour écrire autant et si bien?

Andrée vouait un attachement particulier, voire une passion, aux revues scientifiques francophones du Québec; et une affection toute spéciale pour Recherches sociographiques, la revue d’études québécoises du département de sociologie. Elle est entrée au comité de rédaction en 1989, en est devenue rédactrice en 1993, et y est restée aux commandes pendant les 12 années consécutives. Par la suite et jusqu’en 2013, année de sa retraite, son implication alternait à la direction, à la rédaction, ou simplement au comité de rédaction. Plus qu’un pilier de Recherches sociographiques, Andrée l’incarnait littéralement.

Son décès laisse un grand vide au département de sociologie, et à la revue.

Sylvie Lacombe

Andrée était la fille de Gérald Fortin, qui a été professeur et directeur pendant quelques années du Département de sociologie de Laval. Il avait un intérêt pour les mathématiques, les méthodes quantitatives, l'histoire de la pensée québécoise (sa thèse avait porté sur l'analyse de contenu de L'Action nationale) et les réseaux sociaux, notamment, ce qui a sans doute influencé Andrée car elle a d'abord eu un diplôme en mathématique avant de se tourner vers la sociologie, de publier une recherche empirique (avec Denys) sur les réseaux sociaux et par la suite s'intéresser aux revues. Andrée a manifesté très tôt son intérêt pour l'édition et la rédaction scientifique car elle m’a un jour mentionné qu'elle avait lu et corrigé les épreuves, alors qu'elle était encore aux études au cégep, du manuscrit de son père La Fin d'un règne, paru en 1971, qui a obtenu le Prix du Gouverneur général du Canada.

Son intérêt pour les travaux des autres ne s'est pas démenti depuis son jeune âge !

Simon Langlois