Pour citer les responsables de ce numéro thématique, Marguerite Soulière (Service social, Université d’Ottawa) et Jean-Marc Fontan (Sociologie, UQAM) : « Le constat qui sert de ligne éditoriale et de fil rouge à ce numéro est le suivant : en matière de production scientifique des connaissances, une transformation en profondeur s’opère depuis quelques décennies tant à l’échelle de la société que des sciences sociales. Le processus innovant que nous observons est caractérisé par la volonté d’acteurs sociaux d’être partie prenante des processus de production et de valorisation des savoirs portant sur les objets qui les concernent. […] Le fait de travailler « avec », de « façon conjointe », dans une « recherche collaborative » ou « participative » et parfois en « partenariat », rend compte de la possibilité d’ouvrir la science, d’en démocratiser les dimensions de travail et aussi de questionner la portée performative de cette façon de générer de nouvelles connaissances.»

Réunissant un nombre impressionnant de 37 autrices et auteurs pour 10 articles (sans compter les habituels note critique et compte-rendus), le dossier discute cette orientation de recherche à travers différentes expériences concrètes. En allant au-delà des résultats d’enquête, les contributions proposées prennent le risque de réfléchir les enjeux et les tensions, notamment épistémologiques, mais aussi politiques, que présentent ces recherches accomplies aux frontières de la « tour d’ivoire » du milieu académique. Se trouvent par là interrogés les réflexes et les évidences de la recherche universitaire, en même temps que les attentes ou les indifférences des acteurs sociaux face à la production des connaissances scientifiques.

Les articles touchent à un grand nombre de sujets : les pratiques de recherche en travail social; la production de connaissances sociologiques par des méthodes qualitatives dans le contexte d’une organisation biomédicale; l’appropriation des savoirs et la co-construction de ceux-ci lors d’enquêtes sur les habitats des aînés ou sur l’univers social particulier des personnes classées déficientes intellectuelles; le « défi de l’engagement » à partir d’une riche réflexion sur le Projet Louisiane, une grande enquête s’étant réalisée dans les années 1970; entre autres propositions. Au travers de ces différentes contributions, on réalise la rigueur avec laquelle ces projets ont été menés, dans la conscience face aux écueils que pourraient représenter l’utilitarisme ou la tentation de faire du « participatif » le nouveau paradigme de la recherche sociale. Ces chercheurs et co-chercheurs savent, plus justement et simplement, prendre acte du monde partagé et concevoir des clés de compréhension – voire d’action – ajustées aux dimensions des réalités vécues. Ainsi se révèlent des enjeux fondamentaux pour la sociologie, non pas seulement pour ceux qui pratiquent ce type de recherche, mais peut-être surtout pour ceux qui tendent à douter a priori de leur validité ou de leur indépendance.

Ont écrits dans ce numéro : Marguerite Soulière, Jean-Marc Fontan, Marie-Luc Arpin, Sylvain A. Lefèvre, Johanne Charbonneau, Julie Castonguay, Hélène Carbonneau, Julie Fortier, Émilie Raymond, Mireille Fortier, Andrée Sévigny, André Tourigny, Diane-Gabrielle Tremblay, Geneviève Demers, Geneviève Olivier-d’Avignon, Lorraine Gaudreau, Audrey Bernard, Lucie Fradet, Lucie Gélineau, Sophie Dupéré, Chantal Doré, Jacques Caillouette, Michèle Vatz Laaroussi, Lilianna Kremer, Carlos Yáñez Canal, Linamar Capos Flores, Claire de Saint Martin, Michel Desjardins, Marco Alberio, Serge Belley, Guy Chiasson, Houssine Dridi, Nathalie Lafranchise, Liliane Portelance, Pierre-André Tremblay, Philippe Lyet, Yvette Molina, Clint Bruce, Guy Sioui-Durand, François Racine, Diane Alalouf-Hall, Andrée Fortin, Laurie Guimond, Robert Leroux, Marie-Hélène L’Heureux, Christoph Stamm, Louis Guay, Marie-Andrée Beaudet, Valérie Harvey, Patrick Guay et Simon Langlois.