Bulletin de sociologie : Pourriez-vous présenter votre parcours académique et professionnel, tout en mentionnant ce qui vous a mené vers la sociologie ? Quelles ont été vos motivations à venir étudier la sociologie ici au Département ?

Christophe Prévost : J’ai débuté mon parcours il y a plus de dix ans en France, où j’ai commencé une maitrise que je n’ai malheureusement pas terminée. Après avoir travaillé plusieurs années puis pris la route avec mon sac à dos pendant deux ans et demi, je me suis finalement retrouvé au Québec en 2009, à travailler quatre ans dans un restaurant du Vieux-Québec. Fatigué du service, j’ai cherché à me réorienter et j’ai pris rendez-vous à la clinique de counseling et d’orientation de l’université. Il en est ressorti que la sociologie me manquait terriblement et que le plus pertinent pour moi était de terminer ma maitrise. Je me suis donc inscrit à la maitrise avec stage, qui venait d’être mise sur place, à l’automne 2013. Au bout d’une session je me suis finalement décidé à laisser l’idée du stage pour m’inscrire à la maitrise avec mémoire, que je suis en train de terminer. Après tant de temps loin des bancs d’école, je pensais que ce retour allait être vraiment difficile, mais je dois avouer que la facilité d’approche des professeurs du département, leur ouverture et leur disponibilité m’ont grandement aidé. D’autant qu’une des principales raisons qui m’a poussé à arrêter ma maitrise en France était justement ce manque de disponibilité et de soutien, et le sentiment d’être entièrement seul face à la tâche.

B.d.s. : Pourriez-vous présenter votre sujet de mémoire et votre intérêt pour celui-ci ? Quels constats s’en dégagent jusqu’ici ?

C.P. : Je m’intéresse depuis longtemps au tourisme et surtout à ses travailleurs. J’avais d’ailleurs commencé mon premier mémoire sur ce sujet en étudiant les travailleurs saisonniers en stations touristiques. J’aurais aimé continuer ici, mais les stations québécoises sont loin d’être les villages quasi autarciques que l’on peut retrouver en France. J’ai donc décidé de me pencher sur le Vieux-Québec que je connais assez bien pour y avoir travaillé pendant plusieurs années. J’étudie donc la culture professionnelle des travailleurs en accueil touristique dans ce quartier, l’objectif étant de voir s’il existe une culture commune à l’ensemble des travailleurs en contact avec la clientèle touristique, indépendamment des types d’emplois occupés, que ce soit en restauration, en vente, en hôtellerie, etc. J’explore le rapport que ces travailleurs entretiennent avec les touristes et avec le lieu touristique, ainsi que l’ensemble des savoirs et savoir-faire mobilisés par les uns et les autres. Il y a une culture commune à tous les travailleurs, sans égard à leur emploi particulier, qu’ils soient serveurs, vendeurs, concierges ou guides, une culture façonnée par le tourisme, le contact avec une clientèle en vacances et avec un lieu particulier voué au plaisir et à la détente. Il est ressorti de mon étude qu’une telle culture est identifiable et objectivement partagée, mais qu’elle ne l’est pas subjectivement, du moins pas dans un lieu « ouvert » sur le reste de la ville comme le Vieux-Québec. Pour le dire simplement, on peut dire que les travailleurs en accueil touristique partagent une culture commune, mais ils n’en ont pas vraiment conscience, ce qui à mon avis pose divers problèmes, notamment en termes de représentation et de revendication des droits au travail, problèmes récurrents dans des emplois saisonniers, parcellisés et souvent précaires comme ceux que l’on retrouve en tourisme.

B.d.s. : Vous avez la chance de varier les expériences professionnelles au sein du milieu universitaire et également hors de celui-ci. Pourriez-vous parler de ces expériences ?

C.P. : En effet, on peut dire que j’ai multiplié les expériences depuis que j’ai débuté mon mémoire! Je n’ai pas travaillé du tout la première session parce que je voulais me consacrer à temps plein aux études étant donné qu’il s’agissait d’un retour après une longue période de pause. Mais dès la session suivante, j’ai eu la chance de faire auxiliaire d’enseignement pour le cours Stratification et classes sociales, ce qui m’a pour ainsi dire mis le pied à l’étrier. Après cela et en vrac, j’ai été : auxiliaire d’enseignement pour les cours d’Analyse de données et celui de Stratification sociale (3 fois au total), assistant pour le Laboratoire de recherche, auxiliaire de recherche pour trois projets (un en travail social, un autre dans le cadre du mémoire d’une étudiante en aménagement et le dernier en collaboration avec la faculté de pharmacie), consultant pour une firme en architecture et enseignant remplaçant au Cégep de Sainte-Foy. Bien qu’il s’agisse à chaque fois de petits contrats, ceux-ci ont été extrêmement formateurs, en particulier le labo que je n’avais pas eu la chance de faire en tant qu’étudiant. Et bien que combiné à la vie de famille, avec deux jeunes enfants, à mon mémoire assez long à terminer, quand je vois toute l’expérience accumulée ces dernières années, je suis vraiment content d’avoir fait le choix de revenir aux études à Laval. Je sens que je développe une certaine expertise sur différents sujets et diverses méthodes, que ce soit en recherche ou en enseignement.

B.d.s. : Quels sont vos projets pour la suite ?

C.P. : Ma priorité est bien sûr de finir mon mémoire, ce qui ne devrait plus être très long vu que je suis bien avancé dans la rédaction. Après, ça va surtout dépendre des opportunités qui se présentent, mais j’aimerais vraiment enseigner au collégial. J’ai eu la piqûre de l’enseignement durant le labo et mon expérience au Cégep. J’ai envie de continuer sur cette voie. J’ai d’ailleurs réussi à avoir une charge de cours à la formation continue au Cégep de Victoriaville cet été, ce qui est assez encourageant! Sinon, la recherche me plait aussi beaucoup et je laisse la porte ouverte au doctorat, ayant quelques sujets en tête, principalement autour du tourisme qui reste un de mes intérêts les plus importants.