Bulletin : Est-ce que tu pourrais me parler de ton parcours académique, en m’expliquant ce qui t’a amenée à t’intéresser à la sociologie?

Alexia Oman : Je suis tombée en amour avec la sociologie au cégep, à la fois dans mes cours de sociologie et par un cours de philosophie, c’était Philosophie 2 : L’être humain. On remettait en question l’être humain dans son rapport aux relations amoureuses et ça m’a choqué parce que je ne voulais pas concevoir qu’il y ait tant d’influence sur les individus allant jusqu’aux sentiments. Maintenant je suis vraiment critique, j’arrive à mieux comprendre ce qui nous entoure, à expliquer des comportements, des valeurs. Je trouve que la sociologie permet de donner un sens à sa vie en même temps que d’occasionner une remise en question constante sur ce qu’on pensait savoir.

Après ça, j’ai vite voulu devenir prof afin de pouvoir enseigner la sociologie. C’est encore quelque chose que j’aimerais faire. Dans mon cheminement, j’ai fait deux stages qui ont confirmé mon intérêt. J’ai fait un stage en enseignement au Cégep de Trois-Rivières, justement là où je suis tombée en amour avec la sociologie, et ça s’est très bien passé. J’ai fait du tutorat, des exercices, et j’ai monté un cours de trois heures sur le féminisme, le sexisme et le masculinisme. C’était un beau défi! J’ai donné la séance dans deux classes différentes. J’ai vraiment aimé l’expérience et j’ai eu de très bons commentaires. J’étais vraiment contente et surtout vraiment fière. L’autre stage, c’était à l’École nationale de police du Québec. Là, j’ai monté un questionnaire pour réfléchir au taux de placement des aspirant-e-s policièr-e-s. Ça aussi ça a été intéressant, mais… ça m’a convaincue que je ne voulais pas travailler dans la fonction publique (oups!). J’ai tout de même trouvé ça intéressant de voir comment on peut appliquer la sociologie dans un milieu organisationnel qui a plus de contraintes. Il y a des pour et des contre. Dans tous les cas, ça a été deux expériences enrichissantes qui ont influencé mon parcours.

Pour le reste de ma scolarité au baccalauréat, le début a été un peu particulier. En commençant à la session d’hiver, je n’ai pratiquement fait aucun cours de méthodologie avant de commencer le laboratoire de recherche à la deuxième session. Ça a été difficile, mais j’ai acquis des compétences à travers tout ça, tant par le laboratoire de recherche que par les autres cours et les conseils des profs. À la suite de ce mastodonte de cours, mon collègue Simon Gosselin et moi avons été cités dans un livre du sociologue Michel O’Neill, La marche pèlerine québécoise depuis les années 1990, publié en 2017. Nous avons aussi été invités à présenter notre analyse à l’association Du Québec à Compostelle pour laquelle nous avons réalisé notre enquête, lors d’une conférence où nous partagions le temps de parole avec Michel O’Neill [1]. Ce fut une expérience enrichissante dont nous sommes fiers.

Aujourd’hui, j’arrive à la fin de mon cheminement de baccalauréat et je n’ai pas envie que ça finisse. J’ai énormément donné de manière générale en m’impliquant dans le baccalauréat et les associations, mais je n’ai pas fini d’apprendre. On dirait que plus on apprend et plus on se rend compte qu’on ne connait rien; j’ai envie de continuer à apprendre parce que je trouve ça absolument fascinant la sociologie.

Bulletin : Est-ce que tu peux m’en dire plus sur tes différentes implications pendant le baccalauréat?

Alexia Oman : J’ai fait partie de l’exécutif du Regroupement des Étudiant-e-s en Sociologie à l’Université Laval (RÉSUL) depuis mon arrivée à l’hiver 2015. Par la suite, j’ai été coordonnatrice aux affaires socioculturelles pendant un an et demi. Là, je participais à tout ce que je pouvais, à la fois à l’organisation des partys et à l’animation de ceux-ci. J’ai développé une bonne connaissance des enjeux, politiques et valeurs du RÉSUL, ce qui m’a ensuite permis de devenir coordonnatrice générale pendant deux sessions. J’ai beaucoup aimé mon expérience, j’ai développé un sentiment d’appartenance très fort pour le RÉSUL et pour la sociologie.

Je pense que l’implication est une belle manière de se rapprocher des gens, mais aussi de se rapprocher d’un univers immatériel commun. Ça m’a donné la possibilité de développer des liens avec des gens, avec qui j’ai pu avoir des discussions, partager un intérêt commun, approfondir certains sujets, chose que je n’aurais pas pu faire autrement. Je pense que l’implication m’a permis d’aller plus loin dans les études. Souvent, il y a des personnes qui disent « fais-en moins, ça te prend du temps… ». Sauf que pour moi, ce temps-là, c’était aussi du temps de qualité, constructif pour mon cheminement intellectuel.

Mes expériences d’implication m’ont fait développer mon leadership, mes connaissances en gestion (gestion d’évènements, gestion humaine, gestion de projets), mais surtout une plus grande sensibilité autour des processus démocratiques et du ressenti des individus. De manière générale, ça m’a donné la confiance nécessaire pour m’impliquer dans de nouveaux projets.

Bulletin : Tu as récemment gagné le concours d’idées d’entreprises d’Entreprenariat Laval dans la catégorie Sciences Sociales. Pourrais-tu m’expliquer à la fois ta proposition, en quoi consiste le concours et ce qui t’a amenée à y participer?

Alexia Oman : La session dernière, je me suis inscrite à une formation qui s’appelle Leaders et décisionnelles, donnée par la YWCA. On était un groupe de femmes, de tous les cycles et de toutes les facultés confondues, qui s’intéressait aux principes des conseils d’administration, de la gestion en général. Le but était de faire en sorte que les femmes s’intéressent de plus en plus à des postes d’influence, pour que plus de femmes prennent de décisions dans nos sociétés. J’ai trouvé ça vraiment intéressant, et en parallèle, je me suis inscrite à quelques formations à Entrepreneuriat Laval dans le but d’avoir des outils dans l’éventualité où je voudrais démarrer un projet d’envergure sociale quelconque. C’est vraiment le côté social de l’entrepreneuriat qui m’intéresse, c’est ce qui m’a amenée à vouloir proposer une idée de projet au concours d’idées d’entreprises dans la catégorie des sciences sociales. Mon idée s’appelle Ma thèse sociale, 12 minutes d’éducation populaire. Le but du projet est de vulgariser des thèses de 2e cycle en sciences sociales pour répandre les connaissances autour de certains sujets, afin de créer une sorte de bulle de savoirs de sciences sociales, qui pourrait donner une visibilité aux jeunes chercheurs et chercheuses qui finissent leurs travaux. J’ai spécifié sciences sociales parce que je sais qu’il peut être difficile de valoriser les sciences sociales dans notre société. Il n’y a pas beaucoup de plateformes qui mettent l’accent sur nos disciplines. Pour le moment, la façon dont je vais l’entreprendre à plus petite échelle, avec le département de sociologie. On va créer des vidéos pour le département, essayer d’expliquer ce qu’est la sociologie, mais aussi ce que représentent les études en sociologie à l’Université Laval en termes de possibilités, de programmes, de cours, de ce qu’est le Laboratoire de recherche, et des spécificités de l’expérience aux 2e et 3e cycles. C’est de cette façon que va prendre forme cette partie de mon projet. À voir dans le futur si on pourra étendre cela.

Bulletin : Et maintenant, quels sont tes projets à venir?

Alexia Oman : Je trouve ça difficile comme question parce qu’il y a tant de choses qui me tentent… Mais j’aimerais ça enseigner prochainement. J’aimerais faire une maitrise. Il va falloir décider sur quel sujet. Une chose est sûre, c’est que mon expérience au baccalauréat m’a transformée. J’ai l’impression que je peux faire un peu n’importe quoi en ce moment, c’est ça que je trouve génial. Quand je suis un peu stressée à propos de ce que je vais faire après, je ne suis pas trop angoissée parce que je sais que j’ai des compétences, je sais que j’ai des acquis grâce à mon baccalauréat et aux expériences que j’ai eues, notamment par les stages et mes implications. Je ne sais pas encore, je vais peut-être créer une entreprise, peut-être commencer à faire de l’animation culturelle, continuer plus du côté travail social… Plusieurs possibilités! J’ai beaucoup de rêves… On verra ce qui arrivera, mais il va y avoir une suite liée à la sociologie, ça, c’est sûr.

[1] O’Neill, Michel; Gosselin, Simon et Oman, Alexia (2017); La marche pèlerine québécoise depuis les années 1990; Québec, Conférences régionales mensuelles de l’association Du Québec à Compostelle, 7 février