Parmi les conférences qui ont abordé l'actualité, nous pouvons retenir la communication du professeur Andrea Rea, intitulée « Politique européenne d’immigration restrictive ou guerre aux migrants indésirables ? Une hypothèse de travail ». Au cours de cette conférence, qui a eu lieu le 31 mai 2022, le fondateur du Groupe de recherche sur les Relations Ethniques, les Migrations et l’Égalité (GERME) de l’Institut de sociologie de l’Université Libre de Bruxelles tentait de proposer une hypothèse conduisant à penser que la politique européenne d’immigration s’apparente toujours plus à une guerre aux migrants indésirables. Il touchait alors à un vaste champ de recherche pour quiconque veut comprendre le phénomène de l’immigration dont les interprétations vont dans tous les sens.

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Dans le cadre du cours Introduction à la sociologie du droit (SOC-1101), Victor Armony, professeur de sociologie à l’UQÀM et Massimiliano Mulone, professeur agrégé à l’École de criminologie de l’Université de Montréal ont présenté leurs recherches sur « Les disparités raciales dans les interpellations policières. Les cas de Montréal et de Repentigny ». Ces recherches qui révèlent l’existence de disparités significatives dans les interventions policières selon l’appartenance racisée des individus interpellés, ont fourni des bases méthodologiques pour aborder les questions liées aux disparités raciales dans l’espace public.

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Pour sa part, la directrice de recherche au CNRS (France), Élisabeth Anstett a été invitée dans le cours de Méthodes de la recherche empirique (SOC-1004) pour éclairer les enjeux épistémologiques et éthiques d’une étude conduite sur les usages politiques et sociaux des dépouilles des victimes de violences de masse en Europe et ailleurs. Sa conférence, inspirée d’une série d’enquêtes réalisées depuis la fin des années 2000 en Russie, en Biélorussie, en Pologne et en Bosnie, était intitulée : « Étudier les traces de la violence d’État : genèse et méthodologie d’une enquête sur les restes humains ».

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Par ailleurs, le sociologue et philosophe Jan Spurk, l’un des principaux représentants de la théorie critique en France, a été invité au Département pour une conférence publique présentée dans le cadre du cours des Théories sociologiques générales (SOC-7123). Le thème abordé gravitait autour de la question de savoir si l’on ne serait pas arrivé à la fin de la critique. Un article de ce bulletin présente le compte rendu de cette conférence. Notons toutefois que, pour Jan Spurk, le sociologue est consciemment impliqué dans la société, en dépit de la distance analytique qu’il doit prendre pour comprendre cette société. Autrement dit, même si par son travail intellectuel le sociologue se positionne hors de la société concrète, il n’en reste pas moins un acteur enraciné existentiellement et socialement (J. Spurk (2006). Quel avenir pour la sociologie ? p. 191-212).

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Dans un tout autre registre, le séminaire de Sociologie de la culture et des pratiques culturelles (SOC-7150) a été honoré par le dialogue entre deux chercheurs autour du thème « L’histoire et la culture : champ de luttes, mais territoire de rencontres possibles ». D’un côté, l’historien Jean-Pierre Le Glaunec, auteur de Une arme blanche : La mort de George Floyd et les usages de l’histoire dans le discours néoconservateur (2020), pose la question de savoir jusqu’où il est permis de tordre les faits historiques afin d’honorer nos convictions politiques. Une question qui, à l’en croire, est décisive en démocratie. Car, il s’agit de choisir entre le bruit et la haine, d’une part, ou la compassion et la compréhension, d’autre part. D’un autre côté, le sociologue Philippe Néméh-Nombré a explicité son livre Seize temps noirs pour apprendre à dire kuei (2022), qui raconte les proximités et les solidarités entre les communautés noires et autochtones au Québec, pour réimaginer l’histoire et les possibilités de la rencontre des peuples au-delà de la violence coloniale.

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Invité dans le cadre du cours Coopération et justice sociale (SOC-7167), Gilles Labelle, professeur émérite de l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa, a tenté de répondre à la question de savoir comment les Grecs peuvent contribuer à ce que Castoriadis appelait « l’auto-institution collective et explicite » de la société. En effet, le « projet d’autonomie » que veut promouvoir le philosophe, économiste et psychanalyste grec Cornelius Castoriadis se présente comme une critique acérée du capitalisme et du marxisme, vu que la société capitaliste semble entrer en collision avec le projet d’autonomie dans la société occidentale contemporaine. En fait, si dans les démocraties occidentales les citoyens semblent hantés par un désir illimité d’accumulation et la croyance que toutes les avancées techno-scientifiques sont nécessairement bonnes en soi, Cornelius Castoriadis propose un projet d’autonomie qui, en s’inspirant du modèle démocratique des Grecs antiques, serait capable de mettre en place des institutions qui consolideront l’unité du démos et qui participeront à la formation des citoyens plutôt que de créer des castes d’experts ou des règles imposées de l’extérieur. C’est tout le problème que pose la méfiance à l’égard des institutions actuelles qui semblent repousser, éloigner ou même dissuader les citoyens lambda qui ne trouvent plus grand sens à participer aux affaires publiques.

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Parlant de son vécu personnel et professionnel en tant qu’homme trans vivant dans la région du Bas-Saint-Laurent, Andy Cyr, bachelier en sexologie, a donné une autre perspective des réalités trans en dehors des contextes urbains. Invité dans le cadre du cours SOC-4153 Genre et société, Andy a insisté sur la nécessité de l’éducation sexuelle, cette connaissance qui peut aider à faire tomber les préjugés dont sont souvent victimes les personnes trans. Pour lui, côtoyer les personnes trans dédramatise ou normalise la chose. Tout en reconnaissant que la discrimination à l’égard de ces personnes peut être plus forte en région qu’en ville, où il y a plus d’anonymat, le conférencier a aussi souligné l’importance de la transition sociale qui passe nécessairement par une formation scolaire ou académique.

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Ces conférences et plusieurs autres qui ont animé notre département rendent compte du souci de la qualité des enseignements, mais aussi de l’interdisciplinarité dont notre département pourrait être le porte-flambeau. En saluant ces initiatives combien nourrissantes, les étudiantes et étudiants souhaitent que ces activités ne soient pas qu’occasionnelles mais qu’elles restent fréquentes. Comme le fait entendre cette étudiante de la troisième année de Baccalauréat : « une conférence scientifique, ça vous ouvre plusieurs horizons : d’abord la méthode qu’a empruntée le chercheur, mais aussi la façon d’exposer le résultat en peu de temps. Également, cela met en contact avec du monde venu d’ailleurs. C’est-à-dire une autre manière de voir les choses. Et c’est ça aussi le rôle de l’université, je pense : s’ouvrir à d’autres chercheurs ainsi qu’à leur manière de penser ».