Il distingue quatre périodes dans l’histoire du capitalisme au Québec. La première, entre 1840 à 1880, renvoie à une période de transition du capitalisme. Marquée par le désencastrement de l’économie de la société, mais aussi par la mutation du rapport au travail et à la terre (Polanyi), cette période a donné lieu à la mise en place d’une société de marché, entrainant des conséquences sociodémographiques. En effet, la mise en concurrence des ouvriers par la faim, au sens de la rareté des denrées, aurait conduit à une forte migration, que ce soit des jeunes vers les villes que l’arrivée de nouveaux travailleurs, devenus la première vraie classe ouvrière. La deuxième période, comprise entre 1880 et 1930, consiste en la monopolisation du capitalisme. Elle s’observe aussi autour de la crise économique mondiale de 1873 qui aurait eu des effets assez importants sur les sociétés de secours mutuel, et les associations qui existent. Le développement de l’économie sociale s’en trouverait ébranlé, la monopolisation du capital jouant au profit d’une plus grande intégration au marché national. Cette configuration causerait le déclin d’un projet dit d’autonomie locale, de sorte que l’intérêt des entreprises nationales se ferait au détriment des initiatives de proximité. Le rapport à l’économie sociale se serait vu aussi modifié et deviendrait un projet national ; l’enjeu était alors de permettre la « survivance de la nation », et l’accumulation de capital canadien-français pour faire face au capitalisme canadien-anglais. Un premier rapport connu sur l’économie sociale par Jules Helbronner a été publié en 1890. 

Par la suite, courant des années 1930 à 1970, le mode de régulation fordiste a pris de l’ampleur. S’est alors imposée l’idée de compromis entre le capital et le travail et, sans pour autant remettre en cause la place du capital, on aurait essayé d’encadrer l’économie de marché et les relations capital-travail (Keynes). Les droits sociaux et droits du travail ont fait leur apparition, œuvrant en faveur de la consolidation de la condition salariale, tandis que la Révolution tranquille a permis l’accumulation d’un capital francophone public et privé, et l’assise du rôle des coopératives financières, l’affirmation d’un conformisme culturel croissant. À partir des années 1970-80 on note à la fois la crise du modèle fordiste et l’avènement du néolibéralisme. Progressivement, on assiste au retour de l’économie sociale. Les femmes deviennent des actrices prépondérantes, jouant un rôle très important, une première. La dimension politique de l’économie sociale s’épuise au profit de son institutionnalisation. Par exemple, le gouvernement québécois sous traite certains de ses mandats et passe le flambeau aux associations et organismes, qui sont désormais aux premières lignes de la gestion des « exclus de la société ». Ceci ne reste pas sans conséquence dans la mesure où la gestion néolibérale transcende la sphère étatique en gagnant d’autres secteurs, dont l’économie sociale. Celle-ci perdant sa dimension politique, s’inscrit dans le service des politiques néolibérales des gouvernements. 

L’économie sociale, telle qu’on la connait aujourd’hui semble garder des éléments de sa forme connue des années 1970, et a tendance à être caractérisée comme le secteur des personnes exclues de l’économie « normale », notamment du fait de la forte présence de femmes ou encore de personnes racisées. Une question reste toutefois en suspend à savoir, la possibilité de penser ou d’envisager ce secteur comme fondement d’une société plutôt que secteur de l’économie.