Entrevue avec Emiliano Scanu, un passionné de la sociologie de l’environnement
D’étudiant à chargé de cours, puis à professeur adjoint, Emiliano Scanu ne cache pas son attachement au département de sociologie de l’Université Laval. Ce passionné de la sociologie de l’environnement nous présente ses intérêts de recherche ainsi que son parcours académique.
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Bulletin de Sociologie : Bonjour Professeur, pouvez-vous vous présenter à nos abonnés ?
Emiliano Scanu : Bonjour. Je m’appelle Emiliano Scanu. Je suis professeur adjoint au département de sociologie de l’Université Laval depuis juin 2023. Donc ça fait moins d’un an que je suis engagé comme professeur. Mais auparavant, j’étais chargé des cours ici-même au département de sociologie.
B.S. : De quelle(s) université(s) êtes-vous diplômé, professeur Scanu ?
E. S. : J’ai fait des études de baccalauréat et de maîtrise en sociologie à l’université La Sapienza, à Rome, en Italie. Je suis venu continuer mon doctorat ici à l’université Laval, au département de sociologie, sous la direction de Louis Guay, aujourd’hui professeur associé retraité du département. Et ensuite, j’ai été engagé comme chargé de cours, ici-même. J’ai assuré l’enseignement de la sociologie de l’environnement, c’est-à-dire tous les champs et les études liés à l’environnement. Et pendant que j’étais chargé de cours, j’ai fait un post-doctorat de deux ans à l’INRS, au Centre Urbanisation Culture Société. Et puis, un autre post-doctorat d’un an à l’École Supérieure d’aménagement du territoire de l’université Laval. Et donc voilà ! Comme je l’ai dit précédemment, c’est donc depuis juin 2023 que j’ai obtenu le poste de professeur adjoint.
B.S. : Quels sont les avantages d’être rattaché au département de sociologie ? y a-t-il des inconvénients ?
E.S. : Des avantages, il y en a plusieurs. Tout d’abord, le département de sociologie de l’université Laval a une longue histoire. On a fêté ses 80 ans les jours passés. Ce département est donc un des piliers de la Faculté des sciences sociales. Il a formé beaucoup de cohortes d’étudiants. Mais également il a vu passer des professeurs de renommée qui y ont presté. Donc pour moi, c’est vraiment un honneur, un privilège de pouvoir enseigner ici. Et surtout que je connais bien le département… J’aime sa manière de fonctionner, son offre pédagogique, son offre de programmes, etc. Je suis extrêmement heureux de pouvoir me joindre au département en tant que professeur, de pouvoir contribuer à la formation des étudiants et étudiantes, à la recherche aussi en sociologie. Si je peux ajouter un autre avantage, je dirais que l’université Laval se trouve dans une ville magnifique. Moi je viens d’Italie, d’Europe, et donc on aime ça un peu vivre dans des villes historiques où on sent l’histoire. Et je n’aurais pas pu choisir mieux que Québec. Je ne me sens pas trop loin de chez moi.
B.S. : Quels sont vos champs de recherche privilégiés ?
E.S. : Mes travaux s’inscrivent essentiellement dans la sociologie de l’environnement et la sociologie urbaine. Je m’intéresse à comment les villes et les municipalités, les acteurs urbains, les acteurs locaux font face, répondent aux enjeux environnementaux en général, mais surtout les enjeux de la lutte contre les changements climatiques. Donc, je travaille vraiment beaucoup sur l’action climatique urbaine. Cette action se décline souvent en des politiques des transports. En effet, il y a des liens très étroits entre les transports et l’environnement et surtout la lutte contre le changement climatique. Par exemple, le transport est le plus grand producteur de gaz à effet de serre dans les villes au Canada et au Québec. Or, il me semble qu’on n’est jamais d’accord sur ce qu’il faudrait faire pour lutter contre le changement climatique à travers les transports. C’est pourquoi, je m’intéresse à toutes les controverses que suscite l’action publique pour le climat, en ce qui concerne les transports. J’ai beaucoup travaillé sur les controverses qu’on voit depuis quelques années, ici, dans la ville de Québec, c’est-à-dire les controverses sur le troisième lien et les controverses sur le tramway. Au cœur de ces controverses, il y a à la fois un problème climatique et un problème de gestion routière. Et pour certains, ces deux problèmes doivent être résolus avec le transport en commun, c’est-à-dire avec le tramway. Cependant, d’autres acteurs, d’autres organisations proposent un troisième lien autoroutier pour résoudre le même problème. Donc, c’est ça l’aspect fascinant d’étudier les controverses en transport, en lien avec le changement climatique. Au nom d’un même objectif, on propose une panoplie de solutions qui peuvent être complètement opposées ; on propose des projets totalement différents avec certains argumentaires, certaines revendications, certaines métaphores... Bref, ce qui m’intéresse, c’est d’étudier les controverses socio-écologiques, les acteurs qui y sont engagés, ainsi que leurs revendications. Il s’agit donc de cartographier les discours en place, en compétition et finalement les effets de ces discours.
B.S. : Avez-vous des subventions, si oui pour quels projets plus précisément ?
E.S. : Pour l’instant, je n’ai pas de subventions, parce que je viens juste de commencer. Mais j’ai déjà fait une demande. J’attends la réponse en septembre. Toutefois, j’ai quand même un fond de démarrage qui me permet de faire de la recherche sur le terrain et d’aller présenter des travaux dans des colloques.
B.S. : Sur quoi portent vos projets d’écriture en ce moment ?
E.S. : Actuellement, je travaille sur un article qui fait le point un peu sur l’évolution de la controverse sur la mobilité durable à Québec. Mais aussi je travaille présentement sur un livre qu’on pourrait dire d’introduction sociologique au changement climatique. C’est le projet qui me tient plus à cœur, parce qu’il me semble qu’il n’y a pas véritablement de livres de sociologie sur le changement climatique en français. Les livres sur le changement climatique sont principalement en anglais. Il y en a quelques-uns sur l’environnement en français, mais qui ne sont pas de véritables monographies sur la sociologie et les changements climatiques. C’est ce que je veux faire dans ce livre. C’est un livre dont le point de départ est le cours que je donne cette session : Action climatique et transition durable. On pense souvent le changement climatique comme un problème environnemental, mais il est d’abord et avant tout un problème social. Pour une simple raison : ce sont d’abord les sociétés qui sont à l’origine des changements climatiques et ce sont ces mêmes sociétés qui vont devoir y faire face ou non. Donc, les sociétés sont à la fois la cause et la victime des changements climatiques. En faisant face au changement climatique, les sociétés vont nécessairement changer et c’est surtout cette transformation qui est encouragée par la prise de conscience des enjeux et changements climatiques, qui m’intéresse. J’essaie de comprendre et d’analyser l’institutionnalisation des changements climatiques au sein de la société. Il s’agit de répondre aux questions de savoir comment les climats changent la société au mieux. Comment la société se transforme en réaction aux enjeux climatiques ? Comment le climat façonne la nouvelle société ? C’est un peu cela que j’aborde dans mes cours et sur quoi va se concentrer mon ouvrage.
B.S. : Comment envisagez-vous l’avenir à court et à long terme au département de sociologie ?
E.S. : J’envisage un futur très positif. Parce qu’il y a plus de professeurs au département qu’auparavant. À cause de la pénurie des professeurs, dans les 10 dernières années, c’est sûr qu’il y avait moins de recherches qui se faisaient, moins d’offre pédagogique, et l’offre de cours était beaucoup moins varié ou moins riche. Maintenant nous avons atteint un bon nombre, et les inscriptions sont aussi au rendez-vous. J’entrevois déjà un dynamisme au sein du département et je serai heureux de pouvoir y contribuer.
B.S. : Avez-vous un mot de la fin ?
E.S. : Je souhaite un futur radieux au département de sociologie. Je pense que la société, les gens se rendent de plus en plus compte qu’on ne peut pas comprendre le monde dans lequel on vit, même les phénomènes naturels écologiques, sans se pencher sur le côté social qui est essentiel. Dans la lutte pour le changement climatique, je pense que la sociologie a sa place, parce qu’elle permet de comprendre, et éventuellement agir, pour améliorer la situation.
B.S. : Professeur Scanu, merci.