Depuis leur surgissement dans les années 1970 puis au cours de leur institutionnalisation graduelle, les études féministes ont su s’imposer comme des perspectives incontournables dans la sociologie contemporaine (Clair et al., 2012 ; Devreux, 1995). Par la création de programme d’étude, de revue scientifique et de Chaires de recherche, des espaces propices à la recherche féministe ont pu être aménagés au sein du monde académique, notamment à l’Université Laval. (Dagenais, 1995)

Face à ces conquis institutionnels indéniables, les conditions d’exercices de la recherche féministe semblent pourtant fragilisées, et ce, d’autant plus dans un contexte d’apogée de la gouvernementalité néolibérale à l’université (Le Lay & Chambard, 2023). Faire de la sociologie en féministes, c’est, encore à l’heure actuelle, se retrouver isolé et minoritaire au sein de sa propre discipline. À partir de nos points de vue situés de chercheuses féministes émergentes, nous nous sommes proposées de réfléchir aux obstacles spécifiques qui contraignent encore l’exercice de la recherche féministe au sein du champ académique, particulièrement celui de la sociologie.

D’abord, nous avons analysé les effets qu’entraîne cette posture minoritaire au sein de la discipline. Être en marge du champ de la recherche sociologique suppose en effet des déficits en légitimité et en opportunité. Cela force alors les étudiant.es et chercheur.euses à adopter des tactiques oscillant entre tentatives pour (s’)investir (dans) les sociologies majoritaires et efforts de création d’espaces exclusivement féministes.

Ensuite, nous avons montré comment les conditions d’exercices de la recherche féministes exposent ces chercheur.euses à la précarité et à la souffrance au travail. Ces conditions de recherche et de travail, bien que propres au champ académique et au travail de recherche doctoral, doivent être analysées dans le contexte d’offensives néolibérales et réactionnaires qui visent spécifiquement les approches féministes (Dupuis-Déri, 2022).

Références

Clair, Isabelle. (2012/2015). Sociologie du genre. Armand Colin.

Dagenais, Huguette. (1995). L’institutionnalisation des études féministes à l’université du Québec. Les cahiers du CEDREF, 35‑58.

Devreux, Anne-Marie. (1995). Sociologie « généraliste » et sociologie féministe : Les rapports sociaux de sexe dans le champ professionnel de la sociologie. Nouvelles Questions Féministes, 16(1), 83‑110.

Dupuis-Déri, Francis. (2022). Panique à l’université : Rectitude politique, wokes et autres menaces imaginaires. Lux Éditeur.

Le Lay, Stéphane et Chambard, Olivia. (2023). Quand les violences du champ académique rencontrent les violences néolibérales. Mouvements, 113(1), 12‑24.