Dans sa conférence intitulée "Le « fétichisme sexuel oriental » : une expérience du sexisme et du racisme chez les femmes d’origine asiatique au Québec", Julie Quynh Nhi Tran, étudiante au doctorat en travail social à l’Université de Montréal, aborde ce qu’elle conçoit comme une forme particulière de discrimination dont sont victimes les femmes asiatiques au Québec. Selon elle, le racisme sexuel, notamment le fétichisme genré et les stéréotypes ethnosexuels, invisibilise les violences genrées vécues par les femmes d'origine asiatique au Québec. La fétichisation sexuelle orientale se situerait à l’intersection d’une objectivation genrée et de stéréotypes ethnosexuels. Par un détour historique, la chercheuse replace la manière dont la représentation des femmes asiatiques s’est construite et montre comment, dans le contexte colonial vécu par les pays asiatiques, une image sexualisée des femmes asiatiques a pu être produite. Encore largement dépeintes dans l’univers social médiatique, des figures telles que de la « fleur de lotus » ou celle de la geisha perpétuent et renforcent l’idée selon laquelle les femmes asiatiques seraient timides, dociles, délicates et domestiques. Ce type de représentation des femmes asiatiques participe à essentialiser leur corps qui se retrouvent ainsi exotisés et érotisés.

La perspective théorique qu’elle développe s’enrichit également d’une recherche empirique. Julie Quynh Nhi Tran a conduit des entrevues avec des femmes asiatiques vivant au Québec. Ces entretiens ont servi à documenter leurs expériences du racisme ainsi que les différentes manifestations racistes dont elles ont pu être la cible, mais également à examiner les effets que ces formes d’oppressions peuvent avoir dans la formation de l’identité. Julie Quynh Nhi Tran parle de charge émotionnelle qui serait portée par les victimes de racisme. Cela se traduirait, entre autres, par une appréhension constante du racisme ou d’enjeux liés à l’estime personnelle pouvant aller jusqu’à une honte d’être asiatique.

Les travaux de Julie Quynh Nhi Tran, qui s’inscrivent à la frontière de la sociologie, de l’anthropologie et de la psychologie, proposent une réflexion critique sur des enjeux ayant été longtemps ignorés. Au-delà de sa pertinence académique, l’intérêt que suscite la recherche de Julie Quynh Nhi Tran réside dans la manière dont elle a su lier ses travaux à son engagement dans la communauté, alors qu’elle est une voix active dans les luttes antiracistes par une implication dans diverses organisations communautaires. En somme, de cette conférence d’une pertinence certaine, se dégageait un équilibre, parfois difficile à atteindre, entre militantisme et rigueur scientifique.