Bulletin de sociologie : Pourriez-vous décrire brièvement votre parcours académique, tout en mentionnant ce qui vous a attiré vers la sociologie ? Quels y sont vos intérêts ?

Andrée-Anne Boucher : Mon parcours académique en sociologie a commencé au Cégep Sainte-Foy, alors que je poursuivais des études dans un programme de double DEC en sciences humaines et musique. J’ai adoré mon passage au cégep où je suivais une multitude de cours différents qui me permettaient de m’ouvrir sur le monde et de penser autrement; un revirement heureux pour moi qui arrivais d’une petite école secondaire assez conservatrice, en banlieue de Québec. Mes cours de sociologie ont été de ceux que j’ai réellement préférés. Je voyais dans la sociologie une sorte d’outil pour questionner autant la société plus largement, que mon quotidien et mes relations sociales. Je n’ai donc pas hésité à m’inscrire en sociologie au baccalauréat, sans but autre que de continuer à porter des « lunettes sociologiques ». C’est surtout à la suite du Laboratoire de recherche que j’ai voulu poursuivre plus sérieusement mes études en sociologie et entamer une maitrise avec mémoire. Mon projet pour le Laboratoire de recherche a aussi développé chez moi un intérêt pour les questions relatives à la solidarité, notamment en ce qui concerne les relations familiales.

B.d.s. : Pourriez-vous présenter votre sujet de mémoire ? Quels résultats principaux s’en dégagent ?

A.-a.B. :Suivant mon intérêt envers la famille et les rapports de solidarité, j’ai décidé de m’intéresser aux relations intergénérationnelles familiales et aux rôles familiaux dans le cadre de mon mémoire. Plus précisément, mon objectif était de voir comment la solidarité familiale intergénérationnelle entre les parents et les grands-parents se transforme au moment de la naissance d’un enfant, en cherchant également à voir quelle est la place accordée, négociée et prise par les nouveaux grands-parents dans la vie familiale de leurs propres enfants. J’ai décidé d’interroger des parents et des grands-parents apparentés, parce que le rôle grand-parental prend aujourd’hui forme dans le jeu des interrelations et dans la dynamique relationnelle de chaque famille.

Par l’analyse qualitative des discours des parents et des grands-parents, j’ai constaté que de nouvelles attentes émergent avec la naissance d’un premier enfant et petit-enfant. La solidarité familiale intergénérationnelle entre les nouveaux parents et grands-parents s’était renforcée pour la majorité d’entre eux, certains ayant même déménagé ou pris leur retraite pour voir celle-ci se consolider. J’ai également remarqué que les échanges, les pratiques de soutien et de coopération s’étaient multiplié, mais toujours à la mesure des possibilités qu’offrait la solidarité qui préexistait avant la naissance. Au fil des entretiens, j’ai aussi remarqué que les fonctions tenues par les grands-parents s’inscrivent dans un large éventail, notamment parce que le rôle grand-parental ne suit aujourd’hui plus un modèle codifié comme auparavant. Les grands-parents détiennent ainsi une certaine marge de liberté dans le rôle qu’ils souhaitent tenir, composant celui-ci à partir de modèles idéalisés basés sur des souvenirs de leurs propres grands-parents et en opposition à des figures contre-exemplaires d’une grand-parentalité qu’ils cherchent à éviter. Mais même si les grands-parents ont une certaine marge de liberté, leur rôle reste toujours situé dans des conditions concrètes d’existence et dans un contexte particulier de solidarité. En ce sens, les entretiens ont montré que la réceptivité des parents – la manière dont ils perçoivent et s’accommodent de la présence grand-parentale – influence l’ampleur et la teneur des fonctions grands-parentales, et que les conditions dans lesquelles s’inscrit la relation, la fréquence des moments passés ensemble, l’âge des grands-parents et le fait d’être une grand-mère ou un grand-père ont aussi une influence sur l’adoption de conduites particulières. J’ai donc pu constater que c’est à l’intersection des intentions des grands-parents, des attentes des parents et des possibilités concrètes du contexte de solidarité familiale intergénérationnelle que le rôle grand-parental prend forme.

B.d.s. : Vous avez eu la chance de diversifier les contrats au Département de sociologie. Pourriez-vous nous en parler davantage, tout en mettant l’accent sur les expériences en enseignement que vous y avez acquises ?

A.-a.B. : J’ai effectivement été plutôt chanceuse, car j’ai pu toucher un peu à tout. J’ai commencé en faisant du tutorat pour le cours Formation et développement du Québec contemporain, puis j’ai été auxiliaire de recherche pour Vies de famille rimouskoises. J’ai ensuite été auxiliaire d’enseignement pour les cours Analyse de données I et II. C’est lors de ces contrats, pour lesquels je devais essentiellement faire de l’encadrement d’étudiants et de la correction, que j’ai été animé par l’envie d’enseigner. Cette volonté s’est perpétuée lorsque j’ai été coordonnatrice pour le Laboratoire de recherche l’année suivante. Ce contrat m’a permis d’accompagner des étudiants dans la réalisation de leur projet de recherche et en même temps de revivre, d’une autre manière, le « labo » qui m’a tant motivée à poursuivre à la maitrise. Même si la tâche était assez importante, ce contrat a été l’un des plus motivants et formateurs de mon parcours académique (au point où je priorisais bien souvent celui-ci… au détriment de la rédaction de mon mémoire !). Finalement, l’année dernière, j’ai pu accompagner Dominique Morin dans la préparation du cours Formation et développement du Québec contemporain offert en classe et aussi dans la préparation de sa version qui sera éventuellement offerte à distance. J’ai donc participé à la rédaction du plan de cours, à la définition des évaluations, à la sélection des lectures obligatoires et facultatives, j’ai préparé certains supports visuels pour les exposés en classe et j’ai animé, en partie, certaines séances en classe. Pour la version à distance, j’ai travaillé à la préparation de capsules vidéo portant sur des aspects particuliers de l’étude du Québec, avec la participation de différents professeurs de sociologie et d’histoire notamment. Que d’expériences de travail qui ont été enrichissantes et m’ont permis de développer des aptitudes en enseignement que j’aimerais continuer à peaufiner, puis m’en servir concrètement au cours des prochaines années.

B.d.s. : Vous débuterez dès septembre un DESS en enseignement collégial. Quelles sont vos motivations ? Y a-t-il certaines affinités entre vos expériences acquises et votre désir d’enseigner la sociologie au collégial ?

A.-a.B. : Mes expériences comme auxiliaire d’enseignement, lors de mes études au Département de sociologie, m’ont vraiment incité à poursuivre sur la voie de l’enseignement. L’enseignement de la sociologie au niveau collégial m’apparait comme un moyen de transmettre non seulement des connaissances, mais surtout de cultiver un « sens de la curiosité » et d’inciter à adopter un regard critique. C’est ce que j’ai pu tirer de mon passage au cégep et j’espère pouvoir être à la hauteur de tous ces enseignants qui y ont contribué. J’entame donc un DESS en enseignement collégial à l’automne pour perfectionner mes aptitudes en enseignement et en pédagogie, aptitudes que j’ai pu acquérir lorsque j’étais auxiliaire d’enseignement et coordonnatrice. Le DESS me permettra aussi d’intégrer à nouveau le monde des études collégiales par l’entremise de stages à l’automne et à l’hiver. Par ailleurs, si mes expériences comme auxiliaire d’enseignement à l’université ont été très formatrices, l’enseignement au cégep présente des différences – par ses formes, ses visées – auxquelles je souhaite m’initier durant ce certificat.

B.d.s. : Quels sont vos projets pour la suite ?

A.-a.B. : Quitter les bancs d’école, seulement pour mieux y revenir, debout, devant une classe !