Bulletin de sociologie: Pourriez-vous présenter votre parcours académique, en mettant l’accent sur ce qui vous a mené vers la sociologie ? Quelles ont été vos motivations à venir étudier la sociologie à Québec et plus précisément ici au département, une première fois dans le cadre de votre mémoire et une seconde fois pour votre doctorat ?

Ronan Goualc’h : Mon parcours académique a été traversé par une certaine hésitation entre la sociologie et l’économie. J’ai découvert les deux disciplines simultanément dans le cadre d’un cours de Sciences Economiques et Sociales au lycée[1], ce qui m’a permis de voir la possible complémentarité des deux approches, mais qui n’a pas facilité le choix entre l’une et l’autre au moment de rentrer à l’université. Je me suis d’abord inscrit en économie-gestion à l’Université de Bordeaux, mais n’étant intéressé que par une partie de la formation et ayant l’impression que les enseignements ne me permettraient ni de m’épanouir ni de développer mon regard critique, je suis rapidement retourné vers la sociologie.

Par la suite, la volonté de mieux comprendre le monde qui m’entourait, ce qui m’avait déjà poussé vers l’économie puis vers la sociologie, m’a vite amené à vouloir découvrir d’autres contextes culturels. J’ai alors effectué une année en échange à Turku, en Finlande, où j’ai pu expérimenter un mode d’enseignement différent, m’ouvrir à différentes disciplines en prenant des cours en histoire contemporaine et en sciences politiques, et prendre conscience de l’ampleur des apports possibles d’étudier à l’international.

En revenant en France, ayant commencé à cibler mes intérêts de recherche, j’avais pour objectif de me spécialiser dans l’étude de la consommation. Mon choix s’est porté sur le master Chargé d’études en sociologie appliquée, consommation, communication et média à Paris Descartes. Je cherchais déjà des possibilités pour repartir en échange. Au moment de choisir parmi les différentes destinations proposées, un ensemble de facteurs m’a influencé. En premier lieu, la bonne réputation du système universitaire québécois a joué un rôle important ; dans un second temps, ce sont l’offre de cours ainsi que les écrits d’enseignant-e-s du département que j’ai eu l’occasion de lire qui m’ont décidé. J’ai donc passé la première année sur place, pour ensuite profiter des accords avec l’Université Laval pour finir mon master ici au Québec.

Le projet de revenir ici au doctorat s’est dessiné au fil de l’année et a fini par s’imposer comme une évidence. Si le format des séminaires m’a demandé un temps d’adaptation, en raison des importantes différences avec les cours en France qui s’organisent davantage sur un modèle magistral, j’ai rapidement été séduit par l’émulation intellectuelle qui en émane. De manière générale, les conditions d’études et la vie académique au sein du département m’ont semblé former un milieu parfait pour faire avancer ma réflexion et poursuivre mes études dans un cadre stimulant. De plus, la découverte de la sociologie économique par le biais du séminaire donné par Gérard Duhaime – qui est aujourd’hui mon directeur de recherche –, m’a donné les outils pour concilier dans mon doctorat ma formation en sociologie et mon intérêt pour l’économie.

BdS: Vous prendrez dès la session d’hiver le relai à la rédaction du Bulletin de sociologie. Que représente être à la rédaction du Bulletin de notre département et, plus largement, comment appréciez-vous la vie départementale d’ici ?

RG : L’investissement dans la vie départementale est une dimension de l’expérience universitaire à côté de laquelle j’étais passé durant mon échange en maitrise, à la fois en raison de ce statut administratif particulier et d’un manque de temps lié au fait de devoir rendre un mémoire à mon université d’origine à la fin de l’année.

Dès mon retour pour le doctorat en janvier 2017, en étant inscrit comme étudiant régulier, j’ai pu découvrir toutes les possibilités qui s’offrent au étudiant-e-s, et m’impliquer dans différents organes de la vie du département. Dans un premier temps, j’ai pris les fonctions de gardien du trésor du RÉSUL, mettant ainsi au service de l’association certaines compétences acquises (sans grand entrain) lors de ma courte formation en économie-gestion. Plus récemment, je suis entré à la rédaction dans la revue Aspects Sociologiques, qui me semble assurer des missions essentielles au sein du département, à savoir la diffusion des savoirs créés par les étudiant-e-s, tout en offrant des opportunités de se familiariser avec le processus de publication.

Le fait de prendre le relai à la rédaction du Bulletin de sociologie s’inscrit également dans cette volonté d’implication dans la vie départementale. M’étant jusqu’à maintenant concentré sur les initiatives organisées uniquement par et pour les étudiant-e-s, j’envisage la rédaction du Bulletin comme une opportunité d’appréhender le travail effectué par les autres acteurs et actrices impliqué-e-s, notamment les professeur-e-s, afin d’avoir une vue d’ensemble sur la vie départementale et ainsi assurer efficacement la diffusion des informations.

BdS: Quel est votre sujet de doctorat et votre intérêt pour celui-ci ? Quels constats s’en dégagent jusqu’ici ?

RG : Pour ma thèse de doctorat, je m’intéresse au budget des ménages et plus principalement au poids des dépenses « préengagées » dans celui-ci. Ces dépenses sont celles qui dépendent d’un engagement ou d’un contrat à court terme, les principales sont le loyer, les dépenses de télécommunication, le remboursement des crédits et les assurances. En France, à la suite d’importants débats dans les années 2000, l’Institut National de la Statistique et des Études Économiques (INSEE) a proposé un indicateur du « revenu arbitrable », soit le revenu disponible une fois ces dépenses déduites. Or, l’augmentation des dépenses préengagées concerne également le Québec, et ces débats ne semblent pas avoir eu lieu ici. En étudiant les dépenses sur lesquelles les individus n’ont pas de contrôle à court terme, mon objectif est d’interroger la manière dont on conçoit la liberté dans le cadre de la gestion du budget.

Pour comprendre les dépenses préengagées, je prévois travailler en comparaison entre la France et le Québec, dans un premier temps à partir des données de Statistique Canada et de l’INSEE, afin de retracer l’évolution de ces dépenses dans les dernières décennies. Par la suite, je dirigerai des entrevues dans le but d’appréhender la manière dont ces dépenses sont perçues par les individus, et comment elles sont prises en compte dans l’organisation du budget.

BdS: Quels sont vos autres projets à venir ?

RG : Pour le moment l’essentiel de mes projets tournent autour de ma thèse, et cela risque de rester ainsi pour quelques années! Dans le même temps, mon objectif est de continuer à m’impliquer autant que possible dans la vie du département et des associations auxquelles je participe. Pour la suite, j’ai pour but de rester dans le monde de la recherche, en saisissant les opportunités qui s’offrent à moi.


[1] Le lycée correspond, dans la scolarité française, aux années du secondaire 5 à la première année de Cegep.