Hassina Bourihane, étudiante à la maîtrise en sociologie sous la direction de Sylvie Lacombe, travaille sur la sécularisation et la laïcisation de l’islam en France. Ses recherches consistent dans l’analyse des motivations entourant la mise en œuvre de la loi dite sur le « séparatisme », rebaptisée plus tard « Loi confortant le respect des principes de la République » (LCRPR). Cette loi, adoptée le 24 août 2021, comprend une série de mesures juridiques et administratives telles que l’extension des motifs de dissolution d’une association, qui a conduit à des résultats tels que la fermeture de mosquées, de commerces et d’associations, et la disqualification de nombreuses personnes et organisations luttant contre le racisme et l’islamophobie.

En mai dernier Hassina a présenté son travail dans le cadre d’un colloque international organisé par l’International Islamophobia Studies Research Association (IISRA) rattachée à l’Université de Californie à Berkeley. Cette association encourage la diffusion de la recherche universitaire et des travaux académiques sur l'islamophobie en organisant des forums universitaires. Ces plateformes facilitent le partage transnational et multidirectionnel des connaissances entre les universités, les sphères politiques, les gouvernements, les médias et la société civile mondiale. En participant à des initiatives de mobilisation des connaissances telles que le réseautage, la diffusion, l'échange et le soutien des connaissances basées sur la recherche, l'IISRA se présente comme un pôle de leadership académique dans le domaine des études sur l'islamophobie.

La conférence qui a duré trois jours a rassemblé de nombreux universitaires de plusieurs disciplines ayant contribué et contribuant significativement à la recherche sur le racisme et l’islamophobie.

Plus de onze tables rondes, comprenant une quarantaine d'intervenants, ont exposé la réalité d'un phénomène étudié de manière étendue à l'échelle mondiale présentant des caractéristiques spécifiques, liées aux conditions locales, tant au niveau national que régional. Cependant, ces études montrent une certaine convergence, notamment en ce qui concerne les stéréotypes, les processus de stigmatisation et de discrimination des musulmans s’inscrivant dans le cadre d’un processus de radicalisation des États. De plus, se rejoignent également les études quant aux effets et conséquences psychologiques et sociales de l’islamophobie sur les individus qui en sont victimes.

Plusieurs interventions ont convergé pour souligner la persistance et la redéfinition des stéréotypes anti-musulmans à travers divers contextes nationaux. Au sein du quatrième panel : Crescent Horizons, les interventions de Anna Ardin et Mattias Irving ont mis en lumière la récurrence de représentations orientalistes anti-musulmanes dans les documents officiels en Suède. Le deuxième panel, Disrupting Narratives of Islamophobia: The Qatar 2022 World Cup, a proposé une réflexion intéressante sur les raisons de la disparité entre les discours politiques et médiatiques dirigés contre le Qatar avant et durant le déroulement de la Coupe du Monde de football, et la réalité festive et pacifique qui a été diffusée en direct sur les plateformes de médias sociaux par les milliers de participants.

D'autres présentations se sont penchées sur les répercussions de l’islamophobie sur la population musulmane, comme le septième panel intitulé Internalized Islamophobia: Destroying American Muslim Communities from within, au cours duquel Dalia Mogahed a présenté les résultats d'une enquête majeure réalisée par l'Institute for Social Policy and Understanding (ISPU) sur la manière dont les musulmans perçoivent et se perçoivent eux-mêmes à travers les représentations stéréotypées qui circulent à leur sujet. Cette étude examine la manière dont l'islamophobie est internalisée par la population musulmane.

Enfin la conférence a mis en évidence les enjeux largement politiques de l’islamophobie et du racisme, des sujets investis plus largement dans un contexte d’extrême droitisation politique et de radicalisation des appareils d’état. Lors de la dixième table ronde Securitization, l’intervention remarquable de Farid Hafez intitulée Criminalizing Islamophobia Studies a mis en évidence les circonstances auxquelles a été confronté ce chercheur autrichien par l’extrême droite au pouvoir dans son pays. Diabolisé et menacé, il a été contraint à quitter son pays.

Hassina est intervenue quant à elle dans le panel Six : France/ Quebec and Secular States Governing Islam. Sa présentation Secularization of Islam in France: Islamophobic discourses during the special commission in charge of reviewing the bill "reinforcing the respect of the values of the French Republic a été l’occasion de diffuser à ses pairs les premiers résultats de son travail. Au fur et à mesure de l’identification d’une rhétorique justifiant une loi d’exception, des marqueurs de rejet culturel et religieux apparaissent dans les discours, mettant en évidence un processus de racialisation/altérisation des musulmans. Des déclarations définitives sur l’indocilité musulmane sont également retrouvées pour lesquels doit s’imposer une gestion administrative de leurs corps. et des appels à l’imposition d’une gestion administrative des corps musulmans. Tous ces éléments s’inscrivent dans le contexte de la poursuite de la construction d’un « problème musulman », d’un renouvellement des représentations orientalistes, coloniales et postcoloniales de l’islam et des musulmans qui sert de cadre dans le contexte français actuel.

Outre les conférences annuelles, les activités de l’IISRA consistent également dans la publication d’un journal d’analyse critique :  Islamophobia Studies Journal .