Cette année, ce sont quarante-et-un étudiants étrangers* qui sont inscrits au Département de sociologie de l’Université Laval. Certains viennent dans le cadre d’un séjour d’études à l’étranger, alors que d’autres accomplissent l’intégralité de leurs études ici au Département. C’est le cas de Lise, native de Vendée en France, qui accomplit sa maitrise en sociologie avec stage. Simin vient de Téhéran en Iran, et elle fait son doctorat en sociologie tout comme Baptiste, qui est pour sa part originaire de Strasbourg en France. Claire-Dassise Nduwamariya, arrivée de Kigali au Rwanda, fait une maitrise avec stage. Ces quatre étudiants ont accepté notre invitation à discuter de leur expérience.

Motivations à venir étudier à l’Université Laval

Chez les étudiants interrogés, c’est d’abord le désir d’acquérir une nouvelle expérience à l’étranger qui les a poussé(e)s à venir étudier à l’Université Laval. Certains n’avaient jamais mis le pied en terre québécoise avant de s’engager dans leurs études supérieures, alors que pour d’autres, il s’agissait d’un retour dans les universités canadiennes.

Dans le cadre de sa licence en psychologie et en sociologie à l’Université Pierre Mendès France de Grenoble, Lise est partie une année étudier à l’Université d’Ottawa. Afin de se replonger dans une forme d’enseignement qu’elle a aimée, Lise désirait poursuivre ses études supérieures « de l’autre côté de l’Atlantique ». Si elle avait d’abord envisagé retourner à l’Université d’Ottawa, cette idée de départ s’est modifiée lorsqu’elle a pris connaissance des programmes offerts par les universités québécoises : « la renommée de l’Université Laval, le programme offert et les professeur(e)s du département de sociologie m’ont motivée à venir étudier ici », précise-t-elle.

Faire le doctorat en sociologie à l’Université Laval s’est présenté en quelque sorte comme une évidence pour Baptiste, qui était déjà familier avec le Département. Baptiste a accompli sa dernière année de licence (équivalent du baccalauréat) ici au Département. De retour à Strasbourg, Baptiste entame un master en démographie, et réalise le temps d’un semestre son travail de recherche à l’ODSEF, ici à l’Université Laval. Au terme de sa maitrise, Baptiste a travaillé pendant un an en tant que statisticien-démographe à l'Institut de Recherche pour le Développement de Dakar, au Sénégal. Le parcours de Baptiste était presque tracé pour qu’il poursuive au doctorat avec Richard Marcoux : « mon parcours en démographie et mon année à Dakar ont ensuite renforcé nos intérêts à travailler ensemble », souligne-t-il.

Pour Simin et pour Claire-Dassise, leur première visite au Canada concorde avec le début de leurs études. C’est l’envie d’étudier dans une nouvelle université et de se mêler à de nouvelles manières de faire et de penser la sociologie qui les a motivées à partir étudier à l’Université Laval. Selon elles, il est important pour tout étudiant en sciences sociales de varier les lieux de formation afin d’élargir ses horizons de compréhension. Simin, pour sa part, a été séduite par le programme de doctorat en sociologie principalement en raison des affinités qu’elle a reconnues entre ses intérêts de recherche pour la famille, la nuptialité et les méthodes quantitatives, et celles de Richard Marcoux, son directeur de thèse.

Claire-Dassise voulait absolument découvrir ce qui se faisait ailleurs. Elle raconte comment la recherche d’une université hors Rwanda pour faire ses études de deuxième cycle remplissait ses soirées et aussi celles de ses ami(e)s. Enfin, c’est le côté bilingue du Canada et le programme de stage avec maitrise qui ont attiré son attention : « je dirais que c’est vraiment un programme unique. Quand j’ai vu ça, ça l’a attiré mon attention, et je me suis dit : ‘c’est vraiment ce que je veux faire !’ ».

La question de l’intégration

Tous les étudiants rencontrés ont affirmé toujours maintenir le contact avec leur famille et leurs amis dans leur pays d’origine, même s’il s’agit parfois d’une tâche difficile en raison de la distance qui les sépare. C’est pourquoi les visites de la famille et, si possible, les retours dans le pays d’origine sont souvent souhaités : « je tente de retourner chaque année en Iran pour visiter mes parents, ma sœur et mes amis », témoigne Simin. Les parents de Simin sont d’ailleurs venus la visiter cet été pour la première fois. Baptiste a également reçu la visite de sa famille et de ses meilleurs amis. Dans le cadre d’un doctorat qui s’étale sur plusieurs années, Baptiste compte rentrer « à l’occasion » à Strasbourg. Claire-Dassise n’est pas retournée au Rwanda depuis son arrivée au Québec, et sa famille n’est toujours pas venue la visiter. Par contre, les diverses technologies lui permettent de rester en contact avec sa famille et ses ami(e)s. Pour sa part, Lise confie que la vie en France ne lui manque pas, puisqu’elle s’est recréé un cercle social ici à Québec : « ma vie pour le moment est à Québec et je m’y suis bien adaptée. Je ne suis pas retournée en France depuis mon arrivée et n’ai pas encore prévu y retourner ».

Lise s’est particulièrement bien intégrée au Québec, en particulier grâce à son implication dans les comités exécutifs d’ACCÈS - elle est maintenant représentante des affaires académiques - et de la revue Aspects sociologiques, où elle est au poste des communications. Lise témoigne que s’impliquer de la sorte dans la vie départementale était un défi qu’elle a aimé surmonter : « m’investir dans vie départementale était quelque chose de méconnu. Il faut dire qu’en France les associations étudiantes ne sont pas autant développées, et quand je suis arrivée ici j’ai eu l’impression inverse, ce qui m’a motivé à m’y investir. Je me suis dit que de m’y impliquer était un bon moyen d’apprendre et d’enrichir mes compétences ».

Pour Baptiste, ce sont les activités hors de l’Université qui lui ont permis de créer des liens : « avec les étudiants québécois il peut s'avérer difficile de dépasser la relation d'étudiant à étudiant. Les activités hors université m'ont beaucoup aidé à m'intégrer ». Simin souligne également les difficultés qu’elle a rencontrées, et plus spécifiquement vis-à-vis la société québécoise qu’elle trouve plus ou moins tolérante face aux immigrants. À ce jour, Simin témoigne que son cercle d’amis est exclusivement constitué d’Iraniens. Arriver au Québec a été en quelque sorte un choc pour elle, qui ne s’attendait pas à étudier dans une Université offrant des cours seulement en français. Simin remercie des professeurs qui lui ont permis lors des séminaires, de faire ses interventions et de rédiger ses essais en anglais. Malgré le fait que Simin comprenne très bien le français, elle a fait le choix de rédiger sa thèse en anglais.

Pour Claire-Dassise, la langue a été aussi un défi pour elle à ses tout débuts. Malgré des études primaires et secondaires en français, Claire-Dassise avait complété son baccalauréat et avait travaillé le temps d’une année dans un institut de recherche en anglais. Accomplir sa maitrise en français était donc un défi pour elle : « quand le professeur parlait, lui, je le comprenais, mais je ne comprenais pas les étudiants. Au début c’était vraiment difficile, mais après je me suis adaptée ». Claire-Dassise mentionne également que si, au début, ses amis étaient principalement d’origine africaine, son réseau s’est tranquillement élargi grâce aux rencontres qu’elle a pu faire entre autres dans le cadre des séminaires.

Des différences dans les modes d’enseignement

Unanimement, les étudiants rencontrés témoignent qu’il y a une grande différence entre les manières d’enseigner la sociologie ici au Département et celles dans leur pays d’origine. Pour Simin et pour Lise, il semble que la relation entre professeurs et étudiants soit complètement différente. Il serait possible de créer davantage de liens avec les professeurs ici au Département. Simin confie qu’elle apprécie grandement le climat très amical qui règne au Département. Lise, quant à elle, apprécie le soutien des professeurs : « le soutien et la disponibilité des professeur(e)s sont des avantages non négligeables et qui malheureusement sont moins présents en France. Ce qui m’a le plus marqué est que les professeur(e)s ont à cœur la réussite des étudiant(e)s ». Claire-Dassise souligne qu’au Rwanda, il y a une confusion entre « sociologie » et « travail social ». Venir au Québec a été un moyen pour elle de s’engager dans des études qui lui permettraient de se rapprocher de ce qu’elle aime réellement, c’est-à-dire la recherche de terrain en sociologie.

En raison de ces différences dans les manières d’enseigner la sociologie, les étudiants ont dû se confronter à de nouvelles manières de faire et de penser, ce qui fait opérer un changement en soi, tel que Claire-Dassise l’exprime : « les étudiants étrangers, on a vraiment une grande expérience parce qu’on découvre ce qui se fait ailleurs. On découvre non seulement du point de vue des études, mais aussi au niveau de la vie quotidienne. Ça change la manière de penser et d’agir ». Lise souligne comment la diversité culturelle peut enrichir l’expérience de tous dans le cadre des études, des stages ou de l’emploi : « l’apport essentiel d’un étudiant étranger serait son ouverture d’esprit, sa vision et son expérience qui peuvent être différentes des individus de la société d’accueil ». Les étudiants venus d’ailleurs peuvent apporter leur touche d’originalité enrichissant la vie départementale.

Et pour la suite ?

Les étudiants rencontrés sont tous animés par le désir d’apprendre. Pas surprenant que cette curiosité intellectuelle les anime dans la poursuite de leurs études. Claire-Dassise et Lise envisagent les études doctorales, alors que Simin et Baptiste, tous deux au doctorat, sont encore bien motivés par leurs études.

*Pour l’année 2016-2017, 12 étudiants viennent dans le cadre d’un séjour d’études à l’étranger, alors que le reste, soit 29 d’entre eux, sont inscrits en tant qu’étudiants réguliers.